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Au cœur de la Gascogne, où le temps semble ralentir et où la terre respire l’histoire, le Bas-Armagnac abrite une alchimie remarquable : la transformation de raisins modestes en l’un des spiritueux les plus vénérés de France — l’Armagnac. Parmi les cépages qui prospèrent sur ces sols sableux et siliceux, le Baco se distingue. Né d’un croisement entre la Folle Blanche et le Noah, le Baco 22A fut longtemps considéré comme un pis-aller. Aujourd’hui, il est célébré comme le cépage emblématique du Bas-Armagnac, parfaitement adapté à son terroir et essentiel à l’élaboration d’eaux-de-vie aromatiques, profondes et taillées pour vieillir.
Tout commence à la vigne, là où des générations de savoir-faire rencontrent le rythme de la nature. Les pentes douces du Bas-Armagnac, ses sols acides et ses fameuses « sables fauves » riches en fer, offrent un terrain idéal pour les vignes de Baco. L’influence océanique garantit des hivers doux et des automnes secs et chauds — des conditions idéales pour une maturation lente. Le Baco est cultivé non pour sa douceur ou sa couleur, mais pour son équilibre, son acidité, et sa capacité à conserver des arômes frais, floraux et fruités même après distillation. Ici, les vignerons travaillent avec rigueur, maîtrisent les rendements, taillent à la main et respectent la biodiversité pour garantir la santé des vignes et de leur environnement.
Les vendanges ont lieu tardivement, souvent en octobre, lorsque les raisins ont atteint une maturité optimale. La vinification est simple et traditionnelle : fermentation avec levures indigènes, sans sulfites, en cuves inox. Pas de bois, pas d’artifices — uniquement un vin blanc sec, pur, à haute acidité, prêt pour sa transformation.
C’est à la distillation que commence la magie de l’Armagnac. Contrairement au Cognac, distillé deux fois en alambic charentais, l’Armagnac est généralement distillé une seule fois dans un alambic continu — une méthode qui permet une distillation à plus basse température, conservant toute la complexité aromatique du vin d’origine. Le Baco, par sa structure et son intensité aromatique, s’y prête merveilleusement bien, donnant des eaux-de-vie riches, rondes et expressives dès leur jeunesse. Le résultat est un distillat qui garde l’âme du raisin et la voix du terroir — fruité, floral, épicé et chargé de caractère.
Ensuite commence l’étape lente et poétique du vieillissement en fûts de chêne français — souvent issus des forêts proches de Gascogne ou du Limousin. Avec le temps, l’eau-de-vie fougueuse s’adoucit, se complexifie, évolue. Le bois lui confère des notes de vanille, de cacao, de fruits secs et de rancio. Et pourtant, même après plusieurs décennies, un Baco bien fait garde toujours une fraîcheur, une tension — un écho de son origine viticole.
Produire de l’Armagnac à partir du Baco dans le Bas-Armagnac, ce n’est pas seulement un procédé — c’est un art, un héritage, une fidélité à la terre. C’est la célébration d’un cépage autrefois ignoré, aujourd’hui admiré. Et dans chaque verre, on goûte non seulement le temps, mais aussi les mains, les vignes et l’âme de la Gascogne.